Turn back time + Delilah [terminé]

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Turn back time + Delilah [terminé]

@ Siuan Damodred

Siuan Damodred
legendary
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Lun 19 Déc - 21:22

Turn back time

Siuan & Delilah



It's getting to point where I can't carry on, I never held my breath for quite this long. And I don't take it back, I did what I had to do. It's not too late, either way, I lose you in these silent days + Brandi Carlile



Elle se réveilla en sursaut. Sa chemise de nuit lui collait à la peau et elle sentait ses cheveux tout aussi plaqués contre son front, le corps couvert de sueur. Elle haletait, le souvenir encore frais dans son esprit, et elle passa une main sur son visage pour vérifier qu’il s’agissait d’eau et non pas de sang. A travers la pénombre de leur chambre, elle ne voyait rien. Sa main lui paraissait poisseuse, et l’odeur du sang empreignait ses narines sans que rien n’y fît. Elle inspirait difficilement, faisant de son mieux pour ne pas réveiller Delilah qui dormait à ses côtés. Par chance, sa compagne avait toujours eu un sommeil relativement profond. Siuan ne s’en plaignait jamais : elle préférait largement que sa femme restât endormie lorsqu’elle se levait, comme toujours, avant l’aube, et ça l’arrangeait encore plus lorsque cela faisait plusieurs jours qu’elle se réveillait en sursautant à cause de ses cauchemars. Elle ne savait pas si elle parlait dans son sommeil et elle avait pris l’habitude de lancer un sort pour rendre leur chambre silencieuse, afin de ne pas réveiller Alistair non plus. Le garçon ne passait pas toujours des nuits paisibles, et c’était un trait que Siuan n’appréciait pas partager avec lui, alors elle souhaitait au maximum lui éviter de se réveiller à cause d’idioties, comme ce cauchemar inutile.

C’était plus un souvenir qu’un cauchemar, mais elle avait du mal à se l’admettre. Les différentes visions de cet après-midi infernal se mélangeaient dans son esprit, si bien qu’elle n’était toujours pas parvenue à distinguer la vérité de la fiction. Le seul élément stable, qui revenait sans cesse, était la sensation de la lame qui s’enfonçait dans la chair de son père, suivie de l’odeur et de la chaleur du sang qui gouttait sur son visage. Elle se réveillait toujours au même moment ; lorsqu’elle sentait le couteau crisser sur les cervicales de Cygnus, et s’y coincer indéfiniment. Prise d’une soudaine envie de vomir, elle sortit du lit. Elle se précipita vers leur salle de bain, fermant la porte aussi délicatement que possible derrière elle, et elle rendit son maigre repas du soir au fond de l’évier. Crachant la bile qui lui restait collée au palais, elle ouvrit le robinet pour se rincer la bouche et elle prit une gorgée d’eau, puis une deuxième. Lorsqu’elle releva la tête pour se regarder dans le miroir, elle ne se reconnut pas. Siuan n’avait jamais beaucoup dormi, n’en avait pas vraiment eu besoin puisque son corps avait été habitué depuis l’enfance à être sur ses gardes en permanence, sans pouvoir pleinement se reposer. Mais elle n’avait jamais eu de cernes si marquées qu’elle ne parvenait à les camoufler qu’avec des charmes, et un regard hagard qu’elle ne reconnaissait pas.

Elle ferma les yeux une seconde, et lorsqu’elle les rouvrit elle vit son visage couvert de sang. Laissant échapper un souffle, elle recula vivement, et arracha de sa peau la chemise de nuit qui rougissait à vue d’œil. Elle la laissa tomber au sol sans même s’en apercevoir, le corps déjà dans la douche, sous le jet d’eau froide. La différence de température la fit sursauter et elle dut se mordre les lèvres pour ne pas réagir bruyamment. Elle resta sous le jet, les membres tremblants. Elle se pressa à moitié contre les carreaux qui couvraient les murs, tournant le dos à la porte de la salle d’eau, et elle resta ainsi un certain temps. Elle s’était mise à pleurer sans même s’en rendre compte, et ses épaules tremblaient pour une autre raison à présent, secouées de sanglots. Elle pleura silencieusement, ses larmes éliminées par l’eau et les quelques râles étouffés par la douche, les mains crispées contre les murs. A mesure que l’eau glacée refroidissait sa peau, la sensation du sang chaud la quittait pour des frissons incontrôlables, mais elle resta sous le jet malgré tout, souhaitant à présent que la vision disparût totalement, et avec elle ses dernières larmes.  
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@ Delilah de Vries

Delilah de Vries
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Mer 25 Jan - 19:33

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Siuan & Delilah



It's getting to point where I can't carry on, I never held my breath for quite this long. And I don't take it back, I did what I had to do. It's not too late, either way, I lose you in these silent days + Brandi Carlile



Faire semblant, encore et encore. Faire semblant de ne pas être affectée par les absences prolongées de sa femme, faire semblant de sourire pour dire que tout allait bien, faire semblant de ne pas s’inquiéter auprès de leur fils et faire semblant d’être heureuse, voilà ce qu’était devenu le quotidien de la de Vries. Il y avait des jours, dernièrement, où elle regrettait d’être sur Avalon et d’avoir retrouvée Siuan. Elle déplorait ses années d’insouciance où elle pouvait garder le souvenir éclatant d’une femme qu’elle avait aimée et qu’elle aimerait peut-être encore, si elle était restée loin d’Avalon. Parce que cette femme là n’existait plus, et elle était bien loin, la Siuan de ses souvenirs, femme fatale, femme forte et indépendante… Depuis quelques années, Delilah la voyait se corner, et pire encore, ces derniers mois elle la regardait littéralement s’éteindre à petit feu. Et à chaque fois, c’était la même chose : Siuan ne pouvait pas lui en parler, et était contrainte à l’éternel silence que tous ses serments plus inviolables les uns que les autres lui imposaient. Leur imposaient. Dès le début de leur relation sur l'île, Delilah avait acceptée – évidemment, elle était encore éperdument amoureuse –, se pliant avec complaisance à cette nouvelle vie et restant à la place qu’on lui avait attribuée. Mais plus les années étaient passées, et plus elle se demandait si cela en valait vraiment la peine… Si elle devait encore accepter, et si elle devait, surtout, continuer à se laisser traiter ainsi, par le travail de sa femme, et par sa femme, plus directement. Elle avait réfléchi maintes et maintes fois à leur relation, au gouffre qui s’était creusé entre elles au fil des silences, et plusieurs fois, aussi, elle avait voulu partir. L’aimait-elle encore seulement, sa femme, ou n’aimait-elle que le souvenir fatigué et presque effacé de la femme qu’elle avait connue, près de deux décennies plus tôt ?

Mais évidemment, qu’elle l’aimait encore. Évidemment… Sinon, elle serait déjà partie.

Et ce soir-là, elle avait du faire semblant, encore. Elle avait du feindre de ne pas voir la fatigue sur les traits de sa femme, de ne pas la regarder maigrir à vue d’œil et feindre encore de ne pas être agacée voire même dérangée par le baiser qu’elles échangeaient encore, par mécanisme, par la force de habitude, avant de se coucher ; quand encore Siuan et Delilah se couchaient à peu près en même temps, et que la réfugiée ne s’endormait pas dans des draps vides et froids. Et l’irlandaise se retenait, surtout, d’avoir des gestes tendres et de lui montrer qu’elle s’inquiétait. Parce qu’après tout, pourquoi essayer encore, si c’était pour parler à une porte close et essuyer toujours la même froideur ?

Mais cette nuit-là, c’était peut-être la nuit de trop. Delilah s’était réveillée d’une manière bien désagréable : Siuan se débattait dans leurs draps et lui avait vraisemblablement donné un coup. Mais la de Vries n’eut pas le temps de la réveiller que sa femme s’était déjà redressée. Alors, Delilah avait préféré ne rien dire, ne rien faire et rester immobile ; le plus pratique quand l’autre ne fait plus attention à vous, c’est qu’on devient vraiment invisible quand on le souhaite. Elle avait ensuite attendu que Siuan se réfugia dans leur salle de bain pour se redresser elle aussi et s’adosser à leur tête de lit. Delilah avait laissé les minutes s’écouler, écoutant avec attention l’eau couler dans la douche et imaginant sans mal Siuan sous le jet, essayant de laver ce que ses serments laissaient pourrir dans son âme. Et puis, elle avait fini par se lever pour la rejoindre dans la salle de bain, prenant soin d’ouvrir et de refermer la porte le plus silencieusement possible. Le spectacle qu’elle vit ne lui plu absolument pas : la femme qui se tenait dans leur douche n’était pas Siuan. Émaciée, à la limite de la maigreur maladive, la Damodred n’était plus que l’ombre d’elle même. Mais le plus triste dans la situation, c’est que Delilah ne savait pas quoi faire ; elle avait oublié comment montrer de l’affection à sa femme. Était-ce encore possible, après tout ce temps à quasiment cohabiter, et tout le ressentiment qu’elle avait contre le métier de sa femme qui les éloignait inexorablement ? Alors, elle resta figée un instant, avant de s’adosser à la porte de leur salle de bain. « Ça ne va pas. Rien ne va plus, et je ne sais pas quoi faire Siuan... » – elle avait parlé assez fort pour se faire entendre, assez fort pour attirer l’attention de la Spy Master. « Dis-moi comment je peux t’aider, dis moi quelque chose, n’importe quoi pour te sortir de ton enfer. » – sans même s’en rendre compte, elle pleurait elle aussi – « Je t’aime, mais je ne peux plus te regarder mourir sous mes yeux, je ne peux plus rester sans rien faire, Siuan. » Elle ne voulait pas le dire, mais cela s’entendait assez entre leurs sanglots : si elle ne pouvait rien faire, Siuan n’avait qu’à le lui dire, et elle partirait.
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“Hope” is the thing with feathers
I have no life but this, To lead it here; Nor any death, but lest Dispelled from there; Nor tie to earths to come, Nor action new, Except through this extent, The realm of you. — E. Dickinson | (c)flotsam.
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@ Siuan Damodred

Siuan Damodred
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DATE D'INSCRIPTION : 17/01/2022
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Ven 27 Jan - 21:14

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Siuan & Delilah



It's getting to point where I can't carry on, I never held my breath for quite this long. And I don't take it back, I did what I had to do. It's not too late, either way, I lose you in these silent days + Brandi Carlile



L’eau la faisait frissonner de façon incontrôlable mais elle n’arrivait pourtant pas à s’en détacher, ni à augmenter la température. Son corps tout entier tremblait sous l’eau — ou sous les sanglots — et c’était étrangement cathartique. Elle ne se laissait pas souvent ressentir quoi que ce soit. Siuan verrouillait ses sentiments, même envers elle-même, les gardant parqués dans un coin de son cœur sans jamais s’y pencher. C’était grâce à cela qu’elle parvenait à garder son calme dans la plupart des situations, jusqu’à ce que cela déraillât et que cela éclatât dans un trop plein de colère, vidant ainsi le sac et repartant à zéro. Le cycle n’était pas très sain, elle n’avait pas besoin d’un psychomage pour le lui dire, mais c’était sa manière de fonctionner depuis qu’elle était jeune. Absorber, encore et toujours, jusqu’à ce que cela explosât, et rebelotte. Il était dur de changer des habitudes durement apprises, même si Siuan savait que quelque chose devrait évoluer si elle souhaitait sauver sa relation avec Delilah. Son cerveau avait beau être en permanence en réflexion sur son travail, la charge sans fin pouvant l’occuper des heures durant, elle n’était pas non plus aveugle concernant ce qu’il se passait au sein de son couple. Elle avait maintenant l’impression qu’il était presque trop tard pour arrêter la machine, elle enfermée dans son silence, et Delilah incapable de l’en sortir. Elle ne la blâmait pas, elle-même dépassée par l’ampleur que prenait le gouffre qui les divisait.

La voix de Delilah qui résonna dans la salle de bain la fit sursauter si violemment qu’elle laissa échapper un bruit de surprise, se retournant vers sa figure dessinée contre la porte. Elle éteignit par réflexe l’eau qui l’empêchait de comprendre ce que sa compagne lui disait, et elle le regretta presque instantanément. Elle ne voulait pas entendre les mots prononcés par sa femme, qui étaient si plein de désespoirs et de résignation qu’elle ne savait pas qu’en faire. Delilah n’avait pas encore abandonné mais il lui semblait qu’elle n’en était pas loin, et Siuan se sentait si épuisée, si à bout de force qu’elle ne savait pas si elle serait capable de redresser la barre. Elle resta pressée contre les parois de la douche, la peau froide et toujours frissonnante. Delilah pleurait, et la vue lui était presque insupportable. Elle voulut faire un pas vers elle pour la consoler, mais elle restait figée sur place. Elle se rendit compte qu’elle pleurait toujours elle-aussi, et elle lâcha un souffle tremblant. Les bras venant enserrer son propre corps dans une parodie d’étreinte, elle se laissa glisser jusqu’au sol de la douche, fermant les yeux alors que de nouveaux sanglots venaient faire trembler son échine.

Voir sa femme ainsi lui avait brisé le cœur, car elle ne pouvait plus nier le triste état de leur relation. Elle savait que c’était entièrement de sa faute, et que Delilah se battait depuis des semaines contre des moulins à vent. Elle ne savait pas comment briser le cycle, comment arrêter. Son esprit s’entêtait sur Avalon, l’obsession tellement forte que Siuan savait qu’elle causerait sa perte un jour. Peut-être même aujourd’hui. Elle ne s’imaginait pas sans Delilah, consciente que sans l’islandaise elle retomberait encore plus loin dans son intérêt monomaniaque, jusqu’à s’y perdre définitivement. La réfugiée (et leur fils) était finalement la seule raison grâce à laquelle Siuan parvenait encore à garder la tête hors de l’eau, mais plus pour longtemps. Petit à petit, elle retrouva le contrôle de sa respiration. Les sanglots se firent moins violents et elle put rouvrir les yeux, plaçant les orbes troubles sur la forme de Delilah. Elle laissa échapper un souffle, haussant les épaules avec résignation. « Il y a tant de choses dont j’aimerais te parler. » Lui dit-elle dans un souffle, la voix rauque et tremblante. « Et il y a tant de choses que je ne peux pas te dire. » Elle sanglota une nouvelle fois, avant de passer sa main contre sa joue pour essuyer distraitement des larmes. « J’ai l’impression de ne plus savoir te parler. Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là. »

Elle restait cloîtrée dans son coin de douche, malgré le sol dur et inconfortable, et les frissons qui parcouraient toujours son derme. Cela avait un côté rassurant de se tenir si loin de sa femme, loin de ses mains qui ne pourraient pas tenter de la réconforter. Siuan considérait qu’elle ne le méritait pas, pas lorsque la situation dans laquelle elles se trouvaient était entièrement de son fait. Elle passa une main dans ses cheveux, écartant les fines mèches blondes de son visage. « Je suis épuisée, Delilah. » Avoua-t-elle finalement d’une voix trouble, comme un échec. Sa compagne n’était pas dupe, elle savait que Siuan ne dormait plus depuis des jours. L’épuisement était physique, mais également mental. « Je cours après des fantômes. » Elle était obligée de rester vague sous peine de se faire bloquer par le serment, dont l’existence même la révulsait à présent. Elle savait qu’elle ne sortirait pas de cette confrontation sans une nouvelle migraine, mais elle était prête à l’endurer pour Delilah. « J’ai le sentiment que tout s’écroule, que les murs commencent à se refermer sur nous. » Elle secoua la tête, sachant qu’elle n’était pas claire. Peut-être la fatigue la faisait-elle délirer un peu. « J’ai l’impression que si je parviens à sauver Avalon, alors c’est toi que je perdrais. Et si je prends du recul, si j’arrête … » Elle ne termina pas sa pensée. Elle était persuadée qu’elle ne parviendrait pas à protéger Avalon sans sacrifier sa relation avec Delilah, et que si elle choisissait sa femme, alors l’île allait sombrer. Son âme était tiraillée entre l’amour de sa vie et la loyauté sans faille qu’elle vouait à Avalon. Elle prit sa tête entre ses mains, recroquevillée sur elle-même contre le coin de la douche, car regarder Delilah lui était trop douloureux. « Il n’y a pas d’échappatoire. » Murmura-t-elle finalement, la réflexion trahissant l’état d’esprit déclinant de la Damodred.
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@ Delilah de Vries

Delilah de Vries
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Jeu 16 Mar - 13:04

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Siuan & Delilah



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Les sanglots s’étaient peu à peu atténués, ne laissant place qu’à de la fatigue et à de la lassitude ; ne plus avoir la force de pleurer, Delilah ne l’avait jusque là jamais expérimenté, mais même après tout ce temps passé aux côtés de Siuan, elle avait apparemment encore des choses à découvrir, si peu agréables fussent-elles. Comme à chaque fois, Delilah laissa sa femme parler – pour souvent dire la même chose – alors qu’elle essayait de réfléchir à quoi faire, dans l’immédiat. Leur courte nuit semblait devoir s’éterniser, et Delilah refusait de passer son temps et d’avoir une quelconque conversation dans ces conditions. S’écartant de la douche qui ne coulait plus, Delilah prit une grande serviette qu’elle tendit à sa femme. Son langage corporel traduisait ce qui se passait dans sa tête et la distance qu’elle s’imposait d’avoir envers Siuan ; puisque la femme ne savait plus quoi faire et n’avait plus la patience d’essayer – du moins à cet instant, la femme laissait place au psychomage. « Viens… Notre salle de bain n’est pas un lieu de confidences, et j’ai besoin d’un café, avant de poursuivre. » Elle attendit que sa femme se soit séchée avant de ressortir et de se diriger, en silence, dans la cuisine. Elle prit le temps de remettre de l’ordre dans sa tête et d’assimiler, d’analyser ce que sa femme lui avait dit tout en préparant le café en quelques gestes automatiques et assurés, avant de s’assoir au comptoir. Le bruit de la cafetière qui crépitait lui fit presque rater l’arrivée de sa femme à laquelle elle réagit à peine. Les yeux dans le vide, la psychomage passa les mains dans ses cheveux avant de reprendre la parole. « J’ai laissé ma baguette en haut… Pourrais-tu rendre cette pièce silencieuse pour ne pas réveiller Alistair ? » - elle n’avait pas prévu de hurler sur Siuan, mais elle ne savait pas dans quelles extrémités elle serait poussée, ni même de quel genre de conversation elle s’embarquait.

Dans un dernier soubresaut, la cafetière indiqua à l’assemblée que le café était fin prêt, et Delilah ne se fit pas prier pour s’en servir une grande tasse fumante. Le moment n’appelait pas à l’agréable, alors elle décida d’avaler son café noir et sans une once de sucre. Elle reposa la cafetière devant Siuan, avec un tasse vide, au cas où sa femme en voudrait également et, se réinstallant au comptoir, elle se redressa et consentit enfin à regarder Siuan. Son état était inquiétant, mais Delilah prit grand soin de ne pas s’y attarder et de ne pas faire de commentaire, préférant entrer dans le vif du sujet sans préambule. « Laissons pour le moment le comment du problème… Il ne servirait à rien de chercher un coupable dans cette histoire, toi comme moi avons chacune notre part de responsabilité dans le naufrage de la situation, Siuan. Et il n’y aura plus d’échappatoire lorsque nous l’aurons décidé, pas parce qu’on préfère baisser les bras. » - son ton était détaché, presque trop léger - « En revanche, on peut essayer de répondre à d’autres questions, peut-être. » Elle prit une gorgée de son café, grimaçant sous la brûlure. « On va déjà établir les limites. Je sais qu’il y a des choses dont tu ne peux pas parler, on va essayer d’éviter ses sujets là le plus possible. » Elle s’était relevée pour prendre de quoi écrire avant de reprendre sa place. Elle griffonna quelques mots de son écriture illisible des jours où elle n’avait pas envie de pouvoir se relire.  Elle releva ensuite les yeux vers Siuan, avant de reprendre. « Depuis quand as-tu l’impression que les murs se referment sur toi ? Cela fait plusieurs semaines que tu te fais fuyante et acculée, que tu ne dors plus et que tu te fais absente au point où tu ne fais plus littéralement partie de cette famille. » - elle continuait décrire tout et rien, des mots comme « Alistair », « Avalon », ou encore « Suprême », les reliant parfois entre eux. « Est-ce un problème qui concerne l’intérieur, ou l’extérieur de l’île et qui te retourne ainsi ? » Sur une autre page, elle écrivait ses questions, avec en face deux colonnes en guise de réponse. Si Siuan ne pouvait pas parler, elle pouvait au moins faire oui ou non de la tête, n’est-ce pas ? « Et qui sont les fantômes dont tu parles ? », elle scrutait le visage de sa femme, impassible et clinique ; elle se refusait de s'épancher encore et de larmoyer, puisque cela s'était prouvé parfaitement inutile jusque là.
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@ Siuan Damodred

Siuan Damodred
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DATE D'INSCRIPTION : 17/01/2022
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Jeu 16 Mar - 16:10

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Siuan & Delilah



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Elle ne s’imaginait pas voir Delilah fuir la situation plutôt que de l’affronter head-on. Peut-être que la psychomage ne le voyait pas ainsi, mais son silence face à l’aveu arraché de Siuan pesait douloureusement contre les côtes de la Damodred, alors même qu’elle attrapait machinalement la serviette qui lui était tendue. S’être relevée du sol de la douche n’avait pas été une mince affaire, et elle gardait des yeux prudents sur Delilah, dont le calme et la passivité l’étonnait. L’inquiétait, même. L’islandaise avait peut-être déjà tiré un trait sur leur relation, et tout ce que pouvait lui dire Siuan n’était alors que humbris. Elle ne lui en voulait même pas. A sa place, elle aurait probablement déjà abandonné depuis longtemps. L’amour entre deux personnes ne suffisait pas forcément, pas lorsqu’il y avait autant de passif et d’obstacles, et l’idée de combattre une bataille perdue d’avance lui donnait le tournis. Mais malgré son ressentit sur la situation, s’il y avait bien une chose que Siuan devait à Delilah, c’était d’attendre que la réfugiée fût celle à annoncer la mort de leur relation. Elle ne savait pas si c’était particulièrement sain de placer ainsi l’une des rares sources de joie (quoique maintenant teintée d’amertume) uniquement entre les mains de sa compagne, mais d’aucun dirait que les attitudes saines n’étaient pas dans les habitudes de Siuan.

Siuan se sécha en silence sous les yeux de sa femme, dont la présence passive ne faisait qu’aggraver son trouble. L’appréhension était telle qu’elle pouvait sentir ses mains trembler légèrement. Delilah voulait du café et un siège pour s’asseoir, et pour quoi ? La fin d’une relation d’une décennie était plus simple à annoncer assise au comptoir de la cuisine ? Siuan n’en dit rien mais les pensées tournaient de façon malsaine dans son esprit, les émotions perlant à la surface avant qu’elle ne réussît à les enterrer fermement derrière une vague grimace. Delilah était déjà dans la cuisine quand Siuan s’y présenta, revêtue d’un simple peignoir en soie dont la ceinture était fermement nouée au niveau de son ventre. La cafetière était sur le feu, et l’islandaise ne paraissait pas s’apercevoir de la présence de la Damodred. Elle en profita pour l’observer rapidement, notant les traces de fatigue sur le visage de sa compagne, qui se reflétaient sûrement sur le sien. Cela faisait bien longtemps que la Spymaster ne dormait plus, tantôt réveillée par ce qu’elle avait fait à son père, et par ce qu’elle avait osé faire à Iris. La soudaine pensée faillit lui causer un haut-le-cœur alors qu’elle eût l’impression de sentir du sang sur ses mains, et elle se força à les regarder pour s’assurer que ça n’était pas le cas. Elle se demanda si ses doigts, qui étaient visiblement capable de telles horreurs, pourraient un jour infliger la même chose à Delilah. La pensée la terrifiait.

La voix de sa compagne l’arracha à un tourbillon de culpabilité, et elle acquiesça en silence, agitant sa main et prononçant dans un murmure un sort visant à insonoriser la pièce. Il était vrai qu’Alistair n’avait pas besoin de savoir que la situation entre ses mères était précaire au possible, même si Siuan doutait que son enfant n’en fût pas au moins un peu conscient. Finalement, elle vint s’asseoir en face de Delilah après un dernier instant d’hésitation. Sa femme se servait son café et posait la cafetière en direction de Siuan, qui ne s’en saisit pas. Le café n’avait jamais rien fait pour elle et elle n’en appréciait le goût que si elle pouvait ajouter du firewhiskey à l’intérieur. Elle doutait que la psychomage appréciât un tel comportement à cet instant, alors elle se contenta de croiser ses doigts en posant ses mains sur la table, fixant sa compagne. Elle se tenait droite sur le tabouret, trop droite peut-être. Sa posture lui donnait une illusion de contrôle qui lui était si chère, auquel elle se raccrochait si fort qu’elle ne s’apercevait même pas qu’elle était totalement en train de le perdre. Peut-être était-ce cela, que de devenir fou.

Et puis la voix de Delilah résonna à nouveau dans la cuisine, détachée, presque aérienne. Comme si la situation ne l’atteignait pas, ou qu’elle voulait le faire croire. Siuan était une experte pour lire les comportements des autres, tout comme sa femme, même si elles ne cherchaient pas la même chose ; la vulnérabilité oui, mais Delilah pour soigner et Siuan pour blesser. Elle se mordit l’intérieur de la joue et se força à baisser les yeux, pour écouter sans autre appréhension le discours de sa compagne. Elle ne savait pas si Delilah faisait exprès de faire preuve de naïveté ou si elle pensait que cette démarche fonctionnerait, alors elle ne dit rien. Elle voulait y croire aussi, elle voulait se laisser aller à l’espoir que Delilah pensait véritablement ce qu’elle disait et qu’elle ne baissait pas les bras. Elle n’arrivait pas à s’en persuader. La mention d’autres questions lui fit se tendre imperceptiblement, mais pas pour les yeux de sa compagne. La démarche était celle bien classique d’un psychomage, et l’idée que l’islandaise la traitât soudainement comme l’un de ses patients enflamma une partie de son cœur. Elle éteignit le feu à grande dose d’indifférence, enterrant l’émotion violemment pour ne plus qu’elle repointât le bout de son nez. La dernière fois qu’elle avait perdu le contrôle … Non, elle ne souhaitait pas y penser.

Delilah avait pris un carnet et Siuan continua de mordre l’intérieur de sa joue, constatant sans surprise que le sang commençait à goutter sur sa langue. Ca n’était qu’une faible douleur à subir contrairement à ce qu’elle risquait de dire, et elle se força à continuer son auto-mutilation et à garder la bouche fermée. Sa bonne résolution ne dura pas longtemps. Peut-être était-ce la fatigue, l’épuisement, ou bien la culpabilité qui continuait à doucement lui ronger les entrailles, mais la méthode académique de sa femme finit par lui arracher un rire, d’abord hésitant, puis hystérique. Les accusations étaient glissées dans les questions indifférentes de Delilah et elle les entendait les unes après les autres, chaque coup agressant son cœur et accentuant son rire qui prenait un tour cruel. Elle ne ressentait rien, son empathie écrasée avec le reste de ses émotions, le heartbreak enterré en-dessous de tous les autres. Ce fut enfin l’expression clinique que revêtait Delilah qui termina de l’achever et elle sécha les larmes de rire qui avaient coulé en fixant sa compagne. « You’re not my shrink, darling. » Lui dit-elle avec froideur, la sauvagerie que voulait prendre l’accusation soufflée seulement par ce que Siuan pensait être son self-control, mais était en réalité peut-être sa lâcheté. « You know that when I say that I can’t talk about it, I can’t. I can’t nod and I can’t speak and I can’t think. » Elle fronça les sourcils, se demandant si Delilah avait fait exprès de poser de telles questions. « You’re going to have to be smarter than that if you want answers. » La pique était un peu cruelle mais Siuan ne pouvait pas s’en empêcher. Elle ripostait avec ce qu’elle avait.

Lâchant un soupir, elle se frotta les yeux avec un peu trop d’ardeur. Sans pouvoir s’en empêcher, une partie de son cerveau recommençait à focaliser sur les problèmes de l’île. Elle lutta comme elle put, plantant ses ongles dans la peau de son bras pour rester focalisée sur le moment présent, sur Delilah qui ne méritait pas son dédain, et elle relâcha sa prise seulement lorsqu’elle commença à sentir sa peau céder sous ses ongles. Le sang perla mais elle n’y prêta pas attention, les yeux fixés sur sa compagne. « Why are you still here ? » Demanda-t-elle finalement sans filtre, la question s’échappant sans autorisation. Elle ne rattrapa pas ses mots pour autant. La question la taraudait, la gardait réveillée, alors qu’elle se demandait quand est-ce que sa compagne allait la quitter. Elle ne lui en voudrait même pas. « All I do is hurt you. And you don’t know why, but I do. I do. » Elle se mordit les lèvres un court moment avant de continuer sa pensée sans se retenir, certaines émotions cherchant à s’échapper du couvercle qu’elle essayait de maintenir comme elle pouvait sur elles. « It’s this rot, it’s the Blacks. I can pretend all I want but they made me cruel as they were, cold and unforgiving. Some say that we’re cursed and maybe we are. Cursed to hurt, to hate, to kill. » Elle s’étouffa sur le dernier mot, trahissant beaucoup trop le sens de sa pensée. Trop tard. Elle prit sa tête entre ses mains, cherchant à reprendre son souffle. Elle ferma les yeux, crispant les paupières. « All I do is hurt you. » Dit-elle à nouveau, le sentiment baignant dans sa culpabilité.
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Delilah serrait les dents, gardant son regard posé tout à fait cliniquement sur sa femme. Dans d'autres circonstances, Siuan aurait sûrement été le genre de patients que l'on met au repos, entre 4 murs et avec de quoi dormir pendant 4 jours sans discontinuer. Et si... Non. Évidement, Delilah ne pouvait pas faire ça à sa femme, même si sur le moment, elle en avait très, très envie. Ça la ferait au moins dormir, et elle prendrait peut-être le temps de faire autre chose que de se laisser avaler vivante par cette île et ses complexités. À force de tout, Delilah regrettait presque d'être arrivée sur Avalon, et détestait cette île à mesure que sa femme s'épuisait un peu plus à vouloir préserver ce foutu paradis qui n'avait plus de paradis que le nom ; si belle fut-elle, Avalon devenait jour après jour le purgatoire de Delilah. Une fois que sa femme eut fini de rire, la psychomage se racla la gorge, reprenant ses notes dans un islandais que Siuan ne savait heureusement pas lire. « Je ne suis pas ton psy, je ne suis pas ta femme, disons pour l'instant que je ne suis rien, si ça peut t'arranger. » — elle avait envie de lui foutre une claque, même deux, si seulement Siuan pouvait quitter un instant la froideur qu'elle arborait depuis des semaines. Se retenant de se relever pour partir, Delilah s'efforça de continuer à écrire tout et n'importe quoi ; le titre d'une chanson, ce qu'elle avait envie de s'acheter la prochaine fois qu'elle aurait envie d'étrangler quelqu'un, ce qu'elle avait envie de manger, tout passait sous sa plume tant que cela l'occupait. C'est qu'elle avait tendance à partir souvent, en ce moment, mais chaque fois, elle se disait qu'elle ne pouvait pas, parce qu'elle craignait de ne plus avoir la force de revenir...

L'écoutant sans l'interrompre, elle soupira, avant de rire amèrement. « Pourquoi je suis là ? » — peut-être était-ce le moment d'être franche, elle aussi ? — « Je ne sais pas. Parce que je t'aime encore ? Parce qu'il y a un fils entre nous, auquel il faut penser ? Parce que sans toi, sur cette île, je n'ai rien et je me retrouverai seule ? Parce que je n'ai pas l'envie, ou le courage de te quitter ? » — elle fit une pause, frissonnant tristement — « Et puis partir pour quoi ? Troquer un enfer pour un autre, je préfère autant rester dans celui que je connais, Siuan. » Elle avait l'air grave et sa voix s'était étranglée à mesure qu'elle avait parlé alors qu'elle s'était épanchée plus que de raison. A quoi bon parler de sentiments, alors qu'un mur s'élevait entre elle et sa femme ? Reprenant sa posture professionnelle, Delilah revint sur ce que Siuan avait dit, quelques instant plus tôt. « Quand tu dis que tu blesses, que tu hais et que tu tues, dis moi... » — trois nouvelles colonnes sur sa feuille — « Blesser ton fils et moi, c'est une évidence, mais pour le reste ? » — elle traça son nom ainsi que celui de leur fils sous la première colonne, avant de relever son regard dans celui de sa femme, déterminée — « Qui haïs-tu, et plus encore, qui donc aurais-tu pu tuer, Siuan ?» Elle redoutait la réponse à cette dernière question... Et si Siuan avait vraiment tué quelqu'un, si elle avait du sang sur les mains, et des cadavres dans son placard ? Delilah ne pouvait s'imaginer sa femme en assassin, et pourtant, la connaissait-elle vraiment...
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Ven 28 Juil - 17:09

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Rien. Comme si c’était aussi simple. Delilah n’avait jamais été rien, ni personne. Elle l’avait eue dans la peau à leur première rencontre, même si elle n’avait pas pu se l’admettre. L’idée l’avait terrifiée. Être vulnérable avec quelqu’un ne lui avait apporté que des ennuis, comme il avait été illustré avec Isla qui était allée courir à Althea à propos du suicide, par la dispute affreuse qui en avait découlé et le vide qui avait remplacé sa forme dans son cœur. Être vulnérable c’était s’ouvrir à la blessure, et Siuan avait déjà assez été blessée dans sa vie. Accorder sa confiance terminait de la même façon, et elle s’était donc juré ne plus le faire. Et pourtant, Delilah avait balayé ces convictions à force de sourires et d’attentions, et Siuan avait été désemparée. Leur relation avait été tumultueuse, principalement à cause de la Spymaster, de ses absences et de ses secrets, et elle persistait à l’être. Les secrets étaient moins nombreux mais plus pesants, et Siuan sentait déjà les fondations de ce qu’elles avaient construit s’effondrer sous leur poids. Et comme un badaud, elle regardait ce qu’elle avait mis toute une vie à bâtir s’écrouler, sans réagir. Bien qu’elle sût qu’elle ne se pardonnerait jamais d’avoir laissé échapper pour la dernière fois l’amour de sa vie, elle se montrait pourtant incapable d’y faire quoi que ce soit. Et Delilah, foolish, perfect Delilah, n’était pas prête à abandonner.

La réponse que lui adressa son amante fut si violente que Siuan eût l’impression d’avoir le souffle coupé. Il semblait que Delilah n’avait plus la patience pour les mensonges, et ses mots trahissaient une vérité profondément ressentie. La force de son sentiment frappa Siuan en plus cœur et elle resta interdite face aux propos de sa compagne, qui s’étranglaient d’émotion. Les mains de la Spymaster se crispèrent sur le plan de travail, et bien qu’elle essayât de résister à la réaction primaire qui lui prit les membres, elle ne pût lutter. Elle se sentait trahie par de tels propos, enragée, et elle lamentait encore une fois que Delilah fût aussi facilement capable de lui faire perdre tout contrôle sur ses émotions. Elle le haïssait, haïssait ce flux insupportable de sentiments qui parcouraient son cœur et son cerveau, et avec lui la migraine qui lança si soudainement qu’elle ne put retenir un grognement. Elle avait l’impression que sa pression artérielle avait tellement augmenté qu’elle frôlait l’arrêt cardiaque, et ses mains serrèrent le marbre jusqu’à ce que les phalanges blanchissent, pour masquer leur tremblement. Mais Delilah n’avait pas terminé.

Siuan perdait le contrôle et elle semblait le retrouver, sa voix froide et clinique à nouveau. Elle écrivait sur son carnet et la Spymaster eut l’envie presque irrépressible de le lui arracher. Elle ravala les instincts de violence, les enfonça profondément au creux de son cerveau, pour qu’ils ne virent plus jamais la lumière du jour. La psychomage posait enfin les bonnes questions, y répondait aussi d’elle-même, et la froideur apparente dont elle faisait preuve ne faisait qu’attiser les flammes à l’intérieur de Siuan. Elle savait que son regard était devenu plus sombre, le bleu de ses yeux tournant orageux alors qu’elle se mordait fermement l’intérieur de la joue pour retenir le venin qui menaçait de s’échapper. Elle l’observa écrire à nouveau sur le carnet et elle dut se retenir lui arracher le stylo des mains. Le sang commença à goutter dans sa bouche et elle relâcha enfin la prise de sa mâchoire sur sa joue, laissant échapper un souffle. Elle fit frapper ses doigts sur le marbre nerveusement, laissant le silence s’installer alors qu’elle essayait encore de conserver son calme.

« You think this is hell ? » Lâcha-t-elle finalement, sans pouvoir s’en empêcher. Elle releva les yeux vers Delilah, les siens brillant d’une lueur qui n’avait rien de chaleureuse. La colère grimpait en elle malgré toutes ses tentatives de l’écouter, semblant répondre aux pulsions sourdes qui habitaient son crâne. « What, because I don’t talk to you as much as I use to ? » Son poing se crispa et elle se retint de le faire frapper sur la table, serrant les doigts jusqu’à sentir les ongles percer sa peau. La douleur la garda bien en place. « Hell is when you can’t trust anyone in your family to keep you safe. » Grogna-t-elle, partageant malgré elle sur son enfance, sans réaliser que tout cela était peut-être une manipulation de Delilah, et que sans cela, elle n’aurait jamais rien laissé entendre. « Hell is when they use you as a fucking conduit and leave you to die. » Elle secoua légèrement la tête, laissant échapper un souffle dans l’espoir de cesser ce flot de paroles qu’elle ne voulait pas vraiment laisser sortir. « Hell is when you wish you had died. » Conclut-elle finalement, la voix basse, avant que la colère ne revint, enflammant son cœur. « So cry me a fucking river ! »

Elle se releva soudainement, la chaise tombant au sol derrière elle. Le bruit la fit à peine réagir et elle fixa un regard noir sur son amante. « Who do I hate ? Everyone. » La réponse était un mensonge, et un mauvais. Elle s’en fichait, aveuglée par une rage dont elle ne comprenait pas l’existence. « I hate you for making me feel like I can trust you. » Cracha-t-elle avec colère, enchaînant rapidement. « I hate Lerinda for promising never to put me in that box and doing it anyway. » Elle passa une main dans ses cheveux, l’air erratique et inquiétant. Unhinged. « I hate Alistair for being so much like me. » Finit-elle dans une voix étranglée, avant reprendre de l’aplomb. Delilah était silencieuse, choquée peut-être, et la part vicieuse de Siuan, qu’elle n’arrivait pas à étouffer, avait terriblement envie d’enfoncer le clou. Si Delilah prenait la décision d’elle-même, alors … Ca n’était pas Siuan qui avait abandonné, certainement ? La pensée était terriblement self-destructive, mais le mécanisme était si bien intégré que Siuan ne parvenait même pas à prétendre souhaiter s’en défaire. « I killed my father, Lord Marlborough. I slit his throat. » Elle fit un pas vers Delilah, les yeux noirs et un sourire sombre sur le visage. Comme un prédateur. « Do you want to know what I regret ? » Demanda-t-elle, avant d’enchaîner sans même attendre la réponse. « I regret that I only killed him. I regret that I didn’t burn that house to the ground with everyone else in it. » Elle se tut un instant, un flash de douleur perçant soudainement son iris. « You think you know what hell is ? » Murmura-t-elle finalement, faisant un pas en arrière, puis un autre, vers la porte.
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Jeu 28 Sep - 16:09

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Peut-être que la scène s’y prêtait bien, et peut-être que les vieilles habitudes revenaient à la surface, insidieuses et viles, mais Delilah appréciait ce qu’elle entendait, et plus encore ce qu’elle voyait. Siuan perdait le contrôle, et elle avait tout le mal du monde à le dissimuler. Son corps entier s’était tendu, et elle semblait si, si près de l’implosion. Et après tout, n’était-ce pas ce que Delilah avait recherché ? Un sourire pernicieux fit son apparition sur les lèvres du psychomage et elle n’eut même pas la décence de s’en vouloir. Que Siuan explose lui allait très bien ; enfin, elle extériorisait, et surtout, elle extériorisait autrement que seule, au milieu de la nuit et sans le moindre bruit ou presque. Les premiers mots de sa femme eurent l’effet de la faire rire, un peu, juste assez pour être noté, mais pas assez pour être insultant – du moins l’espérait-elle. Et plus elle déversait sa rage, plus Delilah avait l’impression, d’abord, qu’on en était à jouer à « qui d’entre nous a la plus grosse ». Nouveau sourire, nouvelles notes sur son calepin. Il ne fallait pas complètement perdre le but de cette confrontation, et Delilah prit bien soin de prendre le plus de note possible, même si elle avait déjà entendu ses mots, ou si elle avait déjà deviné leurs secrets. Mais outre le verbe de Siuan, l’islandaise s’intéressait surtout à son comportement, à ce langage que le corps laissait transparaître inconsciemment. Profitant que sa femme reprit son souffle, Delilah se redressa, assistant à l’éclat de colère qui avait réussi à percer la carapace de sa femme ; elle pouvait presque sentir, goûter le Chaos autour d’elles, et c’était presque excitant.

Au-delà des bribes d’informations qu’elle venait de distiller, Siuan décidait maintenant d’y aller ; comme un bélier en mal de dominance, elle se ruait contre le mur que représentait Delilah, tête baissée, déterminée jusqu’à la connerie. Et comme autant de serrures qui sautent, Siuan se répandit en confession, toutes plus saisissantes les unes que les autres ; derrière le premier mensonge craché et qui avait sûrement pour dessein celui de faire mal aveuglément, la Spymaster s’enfonçait dans une litanie de révélations. Et, prise à son propre jeu, Delilah eut à peine le temps d’entendre, de comprendre et d’intégrer les informations que sa femme consentait enfin à partager. À peine, puisque Siuan, gargarisée par son effet de surprise, s’était dangereusement rapprochée d’elle, soutenant son regard, provocante et insolente, avant de vouloir prendre la fuite et glisser en silence hors de cette cuisine, et hors de l’atteinte de sa femme. Mais c’était sans compter sur Delilah, évidement, et sur ce que ces éclats de voix avaient rappelé à la surface. « Ne me tourne pas le dos, Siuan. » Sa voix était posée, mesurée, grave et menaçante, à mille lieues du geste qu’elle avait amorcé avant même de reprendre la parole ; dans le silence pesant qui s’était installé pour une seconde à peine, une assiette était venue s’écraser contre le mur auquel Siuan faisait face. « Dis-moi, qui t’a donné l’autorisation de mettre un terme à cette conversation ? » Elle reposa ses effets, refermant son stylo avec attention. Elle attendit d’abord que sa femme soit à nouveau face à elle, avant de reprendre : « Ce n’est pas très correct d’assumer que tous les enfers doivent ressembler au tien, Siuan. » – commença-t-elle calmement en croisant les bras devant elle – « Et le problème n’est pas que tu ne me parles plus comme avant, c’est tout simplement que tu ne me parles plus. Plus jamais, plus du tout. » Elle entreprit de faire les cents pas devant sa femme, tête baissée et foncièrement réprobatrice. « Et ça, ça ne me plaît pas, tu comprends ? Alors j’ai essayé d’être compréhensive, de te laisser du temps, de l’espace, mais on ne peut pas dire que ce soit une réussite criante, n’est-ce pas ? » – elle n’attendait évidemment aucune réponse, mais il fallait bien garder éveiller l’attention défective de Siuan – « Alors je suis déçue, évidemment… Et c’est inacceptable. » Elle s’arrêta devant Siuan, attendant que sa femme raccrochât les wagons. Elle en profitait également pour remettre de l’ordre dans sa tête, et pour essayer de formuler le fil de ses pensées ; il n’était plus l’heure aux questions, il fallait mettre le doigt là où ça pouvait faire mal, et laisser la bête montrer les crocs. « Tu n’es pas connue pour faire les choses à moitié, Siuan, c’est bien étrange que tu n’aies pas foutu le feu, en effet… Étrange et presque dommage. » – elle y allait peut-être un peu fort, mais elle se plaisait, se rendit-elle compte, à poke the bear« Alors c’est donc ça, le grand secret, celui qui te tient éveillée la nuit, qui te fait chialer comme une enfant dans ton lit… Et alors, quoi, tu voudrais que je te juge pour ça ? Ce n’est ni mon rôle, ni ma place. Il faudrait que je t’en veuille, que je te quitte, parce que tu as crevé ton père ? » – elle rit doucement, reprenant les cents pas – « Si je ne m’abuse, il l’avait mérité ; et je suis assez étonnée, finalement, que tu te laisses ronger par cette mort, parmi tant d'autres. » – elle s’arrêta à nouveau – « Je te connais, Siuan, et s’il te fallait tuer pour l’île ou pour ton fils, je sais que tu le ferais sans ciller. Je n’ai pas peur de toi, et tout ce que tu pourrais me dire ne pourra pas me faire changer d’avis. » Elle soupira, allant se rasseoir près du plan de travail. Elle encaissait encore cette révélation, mais elle préférait ne rien en laisser paraître ; apprendre que sa femme avait commis un parricide c’était tout de même un sacré morceau à avaler… Mais Delilah allait devoir s’attarder sur ce problème un autre jour, pas maintenant, alors que sa femme avait visiblement besoin d’elle, d’une façon ou d’une autre. « Maintenant qu’on a verbalisé cet évènement de ta vie, peut-être savoir pourquoi, dernièrement, tu ne sembles pas être toi-même, ou alors faut-il que j’aille chercher quelque chose pour finir de te tirer les vers du nez ? » Elle n’en avait pas du tout l’envie, mais s’il le fallait… La fin justifierait les moyens, même les discutables possibles ; elle n'était plus ni la femme, ni la psychomage, ni l'inconnue.
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Dim 8 Oct - 19:29

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Ne me tourne pas le dos, Siuan. Elle l’ignora. Elle ignora le ton qui était étrange dans la bouche de sa femme, elle ignora l’avertissement, elle ignora l’ordre. Elle continua sur sa lancée, les mains tremblant d’une colère qu’elle ne savait plus dissimuler. Les émotions s’entrechoquaient dans son crâne, lui donnant une migraine insupportable alors qu’elle n’arrivait plus à savoir si elle était désespérée ou enragée, coupable ou soulagée. Cet afflux de sentiments divers et normalement inconnus était relativement récent. Il allait de pair avec les maux de tête, et peut-être même qu’ils s’influençaient mutuellement, elle ne savait pas ; elle ne l’expliquait pas. Elle mettait cela sur le coup d’un trop plein de stress, de douleur et de choc, et même si elle ne voulait pas penser aux mots nervous breakdown, elle se demandait sincèrement si elle n’en prenait pas le chemin. Son Chaos, revenu depuis quelques jours à peine, était encore maladroit, incontrôlable. Elle se reposait sur son conduit bien plus qu’à l’accoutumée pour le garder fermement sous contrôle, mais sans succès. Il enflait dangereusement à chaque fois que la colère gonflait, comme s’il n’attendait qu’une chose : s’échapper. Elle avait l’impression qu’il tendait vers quelque chose et plus elle cherchait à le garder dans sa main, plus il s’éparpillait.

Une assiette s’écrasa sur le mur et la violence du geste, le volume sonore du bruit, l’arracha immédiatement à ses pensées. Lentement, malgré elle, elle s’arrêta. Elle pivota vers sa femme, qui se tenait si calmement que Siuan en vînt presque à se demander qui avait jeté cette assiette ; si ça n’avait pas été son Chaos qui s’était déchaîné sur quelque chose. Cependant, les mots de sa compagne eurent vite fait de la renseigner sur l’autrice de cet acte. Elle fixa sa compagne, incrédule. « Did you just— » Elle s’interrompit, fronçant les sourcils alors que Delilah s’approchait, lancée sur une série de reproches que Siuan méritait bien mais qui étaient pour autant terriblement mal venus. Le timing de tout cela était malheureux, car la Damodred sentait encore ses doigts s’agiter nerveusement, et elle serra les dents si fort qu’elle les entendit grincer. Elle n’osa pas interrompre sa femme, qui de toute façon ne lui en laissa pas l’opportunité, et elle observa, se voulant impassible mais se sachant de plus en plus frustrée. Elle avait l’affreux sentiment d’être comme un animal acculé par le feu, et elle savait très bien ce qu’il se passait lorsqu’elle était dans cet état. Elle se força à prendre un souffle, puis un autre, cherchant à calmer le chamboulement de ses émotions.

Ses tentatives, peut-être déjà vaines, furent enterrées par la suite des propos de sa femme. Elle savait que sa surprise, que son choc, était clairement visible sur son visage. Elle savait également qu’il y avait quelque chose d’autre qui grondait derrière, quelque chose qui s’indignait de la réaction de Delilah. L’absence de surprise dans ses yeux — et c’était peut-être de la comédie, mais Siuan n’avait pas le recul pour s’en apercevoir — la blessa plus qu’elle n’aurait su l’admettre. L’absence de surprise signifiait que Delilah était déjà convaincue des tendances de la Spymaster, qu’elle savait qu’elle fût capable de meurtre. Lorsque Siuan ne s’était souvenue de ce fait que quelques semaines plus tôt, la pilule était dure à avaler. « Stop it. » Murmura-t-elle, par réflexe et sans conviction, les mots avalés par le monopole inarrêtable de Delilah. Le médecin faisait toujours les cents pas devant elle, assénant coup sur coup comme si ça ne lui coûtait rien. Comme si chaque mot n’arrachait pas quelque chose à l’intérieur de Siuan.

Elle n’entendit pas la conclusion de sa compagne, secouant la tête devant l’absurdité de la situation. Ca n’était plus la colère qui la dominait mais une anxiété qui lui rongeait le ventre, une culpabilité qui lui donnait l’impression d’étouffer. Elle fixa Delilah d’un regard vide. « Is it what you truly think of me ? » Elle attrapa le plan de travail d’une main, s’y accrochant comme on le ferait à une ligne de survie. Elle n’avait pas remarqué que toute l’eau de la cuisine commençait à s’élever dans les airs, son Chaos tellement épais que la pièce en devenait presque irrespirable. « That I would kill so easily ? » Elle fronça les sourcils, baissant les yeux, contemplative. « Are you not shocked ? » Demanda-t-elle, mais elle se refusa à la regarder, craignant ce qu’elle pouvait lire dans ses yeux. « I was. » Murmura-t-elle, et son Chaos devint plus instable, si bien qu’elle finit par s’apercevoir de son agitation. Loin d’essayer de le calmer, elle releva des yeux troubles vers Delilah, le bleu devenu orageux, une colère froide et dévastatrice reprenant le dessus sur la culpabilité qui lui prenait la gorge.

La colère, c’était facile, elle la connaissait bien. « You don’t understand what it means. » Lamenta-t-elle, secouant doucement la tête. « It’s like a door I didn’t know was locked opened once more. » Elle avança vers Delilah, se sentant complètement dissociée de ses actions. « And I almost did it again .. » Souffla-t-elle sans même s’en rendre compte avant de se reprendre soudainement. L’eau commençait à geler, à l’instar de la rage qui coulait dans ses veines. « You wish to know what is going on with me ? I remembered that I killed somebody, and that I enjoyed it. Is it not reason enough ? » Elle lui offrit un sourire dénué de toute chaleur, et ses doigts attrapèrent sans son consentement la mâchoire de sa compagne, la tenant d’une poigne certainement douloureuse. « You should be scared. » Murmura-t-elle, son ton faussement doux. « I don’t know what I’m capable of anymore. I feel ... out of control. »
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It's getting to point where I can't carry on, I never held my breath for quite this long. And I don't take it back, I did what I had to do. It's not too late, either way, I lose you in these silent days + Brandi Carlile


La situation avançait de surprise en surprise. Toutes plus acerbes les unes que les autres, toutes aussi détestables et Delilah se serait bien passée de tout ce qui s’était passé depuis qu’elle avait trouvé sa femme dans leur douche. La vérité, c’est qu’elle se serait bien passée des derniers mois de leur vie commune ; si l’on pouvait encore appeler ça comme ça, bien sûr. Et, à chaque fois qu’elle pensait avoir repris la main, repris le dessus sur la situation, Siuan avait l’affront et l’insolence de lui prouver le contraire. Et si en temps normal l’islandaise aimait sa femme pour cela, ce soir, elle aurait voulu que celle-ci reste à sa place, sans broncher et sans montrer les dents. Mais évidemment, évidemment, il fallait ne pas compter sur la Spymaster pour se plier si facilement face à l’autorité ; il n’y avait finalement que devant la Suprême qu’elle rampait docilement, la queue entre les pattes. Et cette pensée, si fugace fusse-t-elle, distilla une rage sourde dans les veines de la psychomage ; cette île, cette foutue Suprême, tout Avalon lui volerait cette femme qui n’avait peut-être jamais vraiment été sienne, finalement.

Et puis merde. La scène pouvait presque être risible, maintenant et alors qu’elles se faisaient face, comme deux boucs avant une baston. Et si Delilah ne s’était jamais sue violente, nul doute qu’elle aurait pu le devenir, avec les bonnes circonstances. Pourtant, elle ne s’était jamais imaginée devoir l’être envers sa femme… Mais fallait-il qu’elle s’y prépare ? Défendre son fils bec et ongles, défendre sa femme, même, en se recouvrant les mains de sang, elle l’avait déjà envisagé, mais devoir se défendre face à sa femme, ça… C’était une toute autre affaire. Mais s’il fallait croire ce que lui disait Siuan, il était fort à parier que si cela continuait sur cette lancée, peut-être que les assiettes voleraient ailleurs que contre un mur. Pourtant, cela faisait des jours, des semaines, même, que Siuan n’avait jamais été si proche de sa femme, et Delilah en fut presque troublée… Ou était-ce le regard que sa femme posait sur elle qui la déstabilisait tant ? Plongeant ses yeux dans ceux de la Spymaster, Delilah n’entendit d’abord pas ses derniers mots ; elle était trop concentrée sur quelque chose, un détail qui lui avait échappé jusque-là et sur lequel elle n’arrivait pas à mettre tout à fait le doigt… Elle fronçait maintenant les sourcils, la voix de Siuan se perdant dans un fond sonore qui n’avait plus trop de sens.

Control – le sens de ce mot mit du temps avant de pousser Delilah à refaire surface dans le moment présent et elle remarqua enfin que Siuan lui tenait le visage, sans tendresse, mais sans contrainte. Prenant finalement le problème à bras le corps, Delilah fit de même, portant ses mains contre les joues de sa femme. Le contact fut froid, presque étranger, et l’islandaise se prit à grogner. « Si seulement j’arrivais à... » — un battement de cil, et… — « Tes yeux… » Delilah se concentrait maintenant, et elle était persuadée d’être à deux doigts de trouver ce qui clochait chez sa femme. « Tes yeux. Ils ne sont pas… On dirait… » — ça lui paraissait fou, mais ce devait être ça ! — « On dirait que tu n’es pas toi. » Elle laissa ses mains choir le long de son corps. Ça n’avait pas de sens, et en même temps, cela faisait parfaitement sens, n’est-ce pas ? Le médecin reprit le dessus, et Delilah s’arracha à l’étreinte de sa femme ; des faits, il lui fallait des faits pour remonter le fil de ce qui avait mener sa femme jusqu'aux extrémités de sa raison. « Depuis quand tu te sens hors de contrôle ? » Depuis la première fois depuis des semaines, Delilah tenait quelque chose et elle s’y accrocha de toute ses forces ; elle tenait enfin le bon bout de la raison, celui qui ne lâche pas, même si on tire trop fort dessus.
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I have no life but this, To lead it here; Nor any death, but lest Dispelled from there; Nor tie to earths to come, Nor action new, Except through this extent, The realm of you. — E. Dickinson | (c)flotsam.
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It's getting to point where I can't carry on, I never held my breath for quite this long. And I don't take it back, I did what I had to do. It's not too late, either way, I lose you in these silent days + Brandi Carlile


Delilah lui attrapait le visage, et dans son regard il n’y avait pas de peur, seulement de la curiosité. Cela fut si surprenant que Siuan eut un sursaut, et sa propre main relâcha la poigne qu’elle avait sur la mâchoire de sa femme. La chaleur de la paume de ses mains étaient déstabilisante, presque désagréable, et elle se demanda un instant si ça n’était pas plutôt sa peau qui était gelée, comme le devenait le reste de la cuisine. Ses yeux dardèrent vers la pièce, mus par une soudaine volonté de s’échapper d’abord, et par surprise après. Elle sembla revenir à elle-même en voyant les comptoirs gelés d’eau mais elle ne put trouver la volonté d’y faire quoi que ce soit que Delilah attirait son attention à nouveau. On dirait que tu n’es pas toi, disait-elle, et Siuan eut un mouvement de recul, si bien qu’elle faillit arracher son visage aux mains de sa femme, mais l’islandaise tenait bon. Ses propres doigts s’étaient glissés contre le cou de sa compagne, s’agrippant au col de son vêtement sans une seule pensée lucide. « You’re not one for wishful thinking. » Siuan remarqua distraitement, amèrement, et elle baissa les yeux alors, sa mâchoire se contractant douloureusement. « I killed him well before you ever came here. This, me being a murderer, this isn’t new. »

Elle ne savait pas comment prendre l’affirmation de sa femme, si elle devait être flattée qu’elle lui cherchât des excuses ; ou au contraire horrifiée. Delilah s’arrachait à elle et Siuan la laissa, encore perdue dans un nouveau tourbillons d’émotions qui lui donnait un sentiment de whiplash. La migraine enfla et elle porta une main à son front, grognant légèrement tout en faisait un pas en arrière. La colère semblait s’effondrer à nouveau, remplacée par un mélange qu’elle ne parvenait même pas à identifier. Elle avait la nausée, malgré le fait qu’elle eût déjà vomi son maigre repas un peu plus tôt, et elle se força à inspirer le plus calmement possible alors que Delilah l’interrogeait à nouveau. Elle mit quelques longues secondes à entendre la question, par-dessus le soudain sifflement dans son oreille qui lui donnait envie de se crever le tympan, et elle grogna à nouveau, se forçant à chasser la douleur, à l’enterrer au plus profond d’elle. Elle savait le faire, ça n’avait rien de nouveau. Soldier on.

« What does it matter ? » Soupira-t-elle après un temps supplémentaire, presque à bout de souffle. Lorsqu’elle trouva la force de rouvrir les yeux, elle les plaça sur sa femme. « Have I ever been in control or has it always been an illusion ? » Rumina-t-elle amèrement, s’accrochant au plan de travail gelé pour se maintenir droite. La glace brûlait sa peau et elle accueillait la douleur avec tout le masochisme dont elle savait se montrer capable, focalisant ses attentions dessus plutôt que sur la migraine sourde. « I’m good at that ; pretending. Always been good at that. » Murmura-t-elle dans un soupir, portant finalement sa paume gelée contre son front. Le froid la soulagea un instant et elle laisse échapper un nouveau soupir. « When will this bloody headache stop tormenting me? It’s been weeks. You’d think those stupid caskets would have cured it, along with the lung, but no. Useless things! » Pesta-t-elle distraitement, et elle en avait momentanément oublié la présence de Delilah. La silhouette de sa femme redevint claire devant ses yeux et elle la fixa avec un mix de résignation et d’épuisement. « I think I need to leave. Before I do something I’ll regret. Can’t let that happen again. »
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Le froid commençait tout juste à s’immiscer contre la peau de l’islandaise quand elle s’était enfin décidé à retourner à son calepin. Elle n’avait jusque-là pas remarqué que la cuisine était littéralement devenue un igloo, mais il fallait bien dire qu’elle avait d’autres considérations bien plus importantes à ses yeux. Et, si sa femme avait récupéré son Chaos et qu’elle était à nouveau en pleine capacité – physique – de le contrôler, ses émotions allaient quant à elles tout azimute et l’empêchaient, très clairement, de contrôler parfaitement les manifestations de sa magie… D’ailleurs, plus Delilah la regardait et plus elle avait l’impression que sa femme n’était plus sa femme. Pas dans le sens où elle ne la reconnaissait plus et où elle pensait véritablement à s’en séparer, mais plutôt parce que sa femme avait des façons d’agir qui ne lui ressemblaient pas et que Delilah reconnaissait d’ailleurs sans arriver pourtant à les replacer avec certitude. Et cette impression s’accentuait de jours en jour et même de minute en minute, maintenant ; depuis quand sa femme n’était-elle plus foutue de contrôler des émotions, elle, qui avait d’ordinaire une poker face à faire trembler les plus innocents ?

Les dernières paroles de sa femme furent un nouveau coup de poignard, et la psychomage n’essaya même pas de feindre l’indifférence ; elle soupira et passa ses mains dans sa longue chevelure. Longue, trop longue se dit-elle d'ailleurs, comme pour se distraire d'une situation qu'elle n'arrivait plus à supporter. Ces mots furent très certainement la goutte de trop, mais Delilah ne dit rien. Non, à la place elle écrivit quelques mots – les plus virulents – avant de regarder sa femme qui la fixait maintenant. Elle voyait en Siuan le parfait reflet de ce qu’elle ressentait, et c’était bien la première fois depuis des lustres qu’elles étaient un tant soit peu sur la même longueur d’ondes. Acquiesçant en silence, Delilah lui fit comprendre qu’elle l'avait entendue, et qu’elle ne la retiendrait pas. Qu'elle parte si ça lui chantait, elle n'irait de toute façon pas bien loin, sur ce foutu caillou. Elle la vit alors partir, et la glace autour d'elle fondit presque instantanément. Super... Elle allait devoir s'occuper du bordel laissé dans le sillage de sa femme. Et puis non... Elle s'en occuperait plus tard, et si Alistair voyait toute cette flotte, il serait assez intelligent pour comprendre. Et puis, ce n'était plus un enfant, et même si Delilah voulait encore à tout prix le protéger, il était intuitif, et il devait avoir senti qu'entre ses mères, tout ne se passait pas bien, contrairement à ce qu'elles pouvaient bien lui dire pour le rassurer.

Elle reposa son stylo et son carnet, avant de sortir de la cuisine, elle aussi, et de se diriger vers le premier étage. Les derniers mots griffonnés sur le papier n’avaient plus rien à voir avec des pistes de diagnostics : c’était une liste de choses auxquelles Delilah devait visiblement penser avec plus d’urgence, maintenant. Et là-haut, dans ce qui lui servait de bureau, traînait un sac qui avait grossi au fil des semaines ; peut-être qu’il était temps d’y mettre les dernières petites touches, avant de le prendre et de passer la porte ? À côté d'« illusion », « pretending » et « useless caskets » on pouvait maintenant lire « brosse à dents », « gants », et « sablier » ; les dernières choses qui retenaient encore Delilah dans cette maison, si on ne comptait pas Alistair qu’elle se voyait bien mal mettre dans sa valise de fortune. Peut-être valait-il mieux qu’elle reste quelque temps loin d’ici. Mais quant à s’échouer chez une amie, ou prendre des vacances et aller sur Deirdre pour se couper de tout, elle hésitait encore.

À suivre...

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